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Innovation

Réinventer la métallurgie : l’IA et les nanotechnologies au service de l’extraction des métaux

Zack Therrien
Zack Therrien
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La façon dont on extrait, traite et sépare les matériaux s’apprête à vivre une nouvelle transformation. Après avoir assisté à la 63e Conférence annuelle des métallurgistes, c’est évident : l’avenir de la métallurgie se dessine à la croisée de l’IA, de la biologie et de la fabrication avancée. Ces disciplines convergent pour repousser les limites du possible—de la séparation des matériaux à l’échelle nanométrique à des systèmes d’extraction intelligents et évolutifs.

Chez Osedea, nous explorons en continu ce que la technologie nous réserve—surtout quand ça touche les industries qu’on soutient, comme les mines et la métallurgie. Voici un aperçu de quelques idées marquantes qui redéfinissent le domaine.

Une richesse de données à exploiter

Nous disposons aujourd’hui d’une base de connaissances incroyablement vaste en nanotechnologies. PubChem recense 111 millions de structures chimiques uniques, issues autant de l’humain que de la nature. L’intelligence artificielle a prédit la structure de 200 millions de protéines. Et pas moins de 500 000 protéines bactériennes liées directement à la séparation et au transport atomiques/moléculaires ont été identifiées. Tous les éléments s’alignent pour qu’on puisse relever des défis immenses—comme extraire les métaux de façon plus efficiente.

Repenser la séparation des métaux

L’un de ces défis classiques : séparer des particules entre elles. À la base de la chaîne d’approvisionnement, nous broyons le minerai pour en isoler les métaux précieux et les purifier. La technique de l’extraction par solvant (SX) est essentielle : elle permet d’affiner le cuivre d’une concentration de 2 g/L à des plaques de cuivre pur à 99 %. Au cœur de ce procédé : des molécules qui se lient aux ions métalliques. Ces molécules sont organiques (semblables à de l’huile) et flottent donc dans des solutions aqueuses. L’ion est ensuite relâché dans une autre solution selon le niveau de pH, qui détermine si la molécule se lie ou se détache du métal.

Des centaines de molécules ont été conçues pour faire de l’extraction par solvant. Parmi elles, le réactif CYANEX (C₁₆H₃₅O₂P), qui a une affinité élevée avec le cobalt (Co) ou le nickel (Ni). L’ion métallique se lie à l’atome d’oxygène de tête (en rouge).

Cyanex272. Un atome de phosphore central en orange, deux oxygènes en rouge, des carbones en gris et des hydrogènes en blanc. Les ions métalliques se lient à plusieurs molécules de Cyanex272 sur les sites OH. Tel que visualisé par PubChem.

Mais la chimie n’a pas le monopole de ces molécules sophistiquées. La nature, elle, a une longueur d’avance depuis des millions d’années.

Les bactéries, pour survivre, doivent absorber des matériaux, transporter des ions et les transformer dans leurs cellules. Les scientifiques ont répertorié plus d’un demi-million de gènes et de protéines capables de gérer ces interactions à l’échelle atomique—un véritable plan d’action pour imaginer de nouvelles techniques de séparation avancées.

L'homéostasie du Cu chez les bactéries : Les tenants et les aboutissants par Andrei, A et al.

De la molécule à la structure

Les ingénieurs en nanotechnologie repoussent les limites grâce à la fabrication additive. L’une des études présentées portait sur la création d’un cube en 3D, avec des poutres de 50 micromètres de diamètre (pour contexte, une bactérie mesure environ 1 micromètre). Des plaques de 2 mm ont été intégrées à l’intérieur du cube, qui a ensuite été compressé pour tester sa résistance. À cette échelle, une poutre équivaut à peu près à une cellule eucaryote. Pour comparer, les microtubules du cytosquelette font 25 nanomètres de diamètre. Ce qu’il faut retenir : ces structures peuvent maintenant être imprimées à faible coût.

Différents supports imprimés en 3D par rapport aux supports biologiques (microtubules)

Une autre présentation portait sur l’introduction volontaire de « défauts » dans des structures hexagonales imprimées, inspirées des alvéoles d’abeilles. Des chercheur·e·s de l’Université de Victoria ont démontré comment la position de ces défauts influence directement la façon dont les matériaux se déforment sous pression. L’échec structurel, ce n’est pas juste une question de barrages qui cèdent. Ça se passe aussi à l’échelle nanométrique. D’où l’importance de concevoir des matériaux capables de « casser » de manière prévisible et contrôlée. Des matériaux auto-réparateurs et adaptatifs sont déjà en développement.

Les défauts dans les réseaux en nid d'abeille conduisent à des modèles de défaillance guidés et à des surfaces flexibles

Ingénierie de la matière première

Pour la fabrication additive, on utilise généralement des sphères métalliques. Un chercheur de l’Université de l’Alberta a présenté une méthode alternative à l’atomisation au gaz. En combinant une bobine à induction et une plaque métallique vibrante, l’équipe a réussi à produire des sphères de métal de 100 micromètres. En ajustant la fréquence d’oscillation, ils pouvaient contrôler la formation des gouttelettes. Une technologie de grande précision pour générer des poudres métalliques uniformes.

Images MEB de la poudre de métal Sn obtenue par atomisation acoustique

Voir plus grand

Actuellement, les mines sont conçues autour des gisements à forte concentration. On extrait un ou deux métaux, et on laisse les autres de côté. Ces « déchets » miniers, ou rejets, contiennent pourtant des éléments précieux. Et si on pouvait construire des systèmes compartimentés, évolutifs—un réseau de chambres microscopiques spécialisées, chacune ayant une fonction bien précise : certaines pour l’extraction par molécules comme ACORGA, d’autres pour la décomposition via des bactéries, ou encore la régulation du pH. Ce système cellulaire fonctionnerait comme un organisme interconnecté, optimisé pour séparer chaque élément de valeur.

Ce modèle modulaire a un potentiel énorme, autant pour les mines que pour la gestion des déchets et le recyclage électronique. L’idée ? Créer une bibliothèque de cellules spécialisées qu’on peut combiner selon l’usage. Certains systèmes auront besoin de plus de cellules à molécules, d’autres de colonies bactériennes, mais tous partageront des structures communes comme des canaux d’air ou de liquide.

Des projets de ce type sont déjà en cours. On peut penser au Syensqo Cube, un système de dosage automatique pour la séparation par flottation. Ou aux systèmes microfluidiques utilisés en recherche pour des séparations en flux continu. Extraire les terres rares exige souvent plus de 50 étapes—autant de compartiments de la taille d’une voiture. Imaginez tout ça comme des conteneurs interconnectés, empilés les uns sur les autres.

Visualisation sous forme de conteneurs d'expédition empilés et interconnectés

Sortir du travail en silo

L’un des plus grands freins en métallurgie (et en science en général), c’est la pensée en silo. Les industries, les domaines de recherche et les institutions travaillent trop souvent de façon isolée. Pourtant, les vraies percées se produisent aux intersections. Aujourd’hui, la métallurgie, ce n’est plus seulement une affaire de chimie ou d’ingénierie. C’est aussi de la biologie, de l’IA et de la fabrication avancée—ensemble.

Et maintenant ?

Les conversations ne font que commencer. Le croisement entre biologie, IA et fabrication avancée ouvre la voie à de toutes nouvelles approches pour la séparation des métaux, la récupération des ressources et la conception de systèmes adaptatifs à grande échelle.

Chez Osedea, nous accompagnons déjà des client·e·s dans les secteurs miniers et industriels pour transformer des défis complexes en opportunités—grâce à des logiciels intelligents, de l’automatisation et de l’innovation de pointe.

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